Le temps où les artistes venaient me voir dans mon bureau avec leur portfolio de tatouages, un volume volumineux ou mince de photographies de qualité variable, est révolu depuis longtemps. Remplacé par Instagram. C’est là que chaque tatoueur crée son identité et une page de son travail à exposer.
Alors maintenant, ce n’est plus le talent de l’artiste ou l’avis de l’expert mais un algorithme qui dicte comment le portfolio est reçu. Et si l’algorithme qui décide du succès ou de l’échec d’un tatoueur change, mettant une chose au premier plan à la place d’une autre, eh bien nous nous ajustons tous en conséquence aux dogmes de publication qui assurent le meilleur résultat, c’est-à-dire plus de vues.
Il arrive maintenant que, une fois que les photos (généralement recadrées, retouchées et modifiées pour gagner la faveur des followers) n’obtiennent plus le même succès et que les likes très recherchés commencent à tomber, de nombreux tatoueurs, désespérés d’avoir des followers, ont cessé de publier des photos de leur travail, jetant des images statiques pour des vidéos où elles apparaissent de plus en plus dans des situations censées être drôles mais, à mon humble avis, finissent le plus souvent par être simplement embarrassantes.
Il me semble clair que beaucoup ne recherchent plus la renommée qui mène au succès en démontrant de quel excellent travail ils sont capables, mais estiment que c’est le nombre d’adeptes qui sépare le bon grain de l’ivraie.
Quelque chose que je trouve personnellement ridicule car nous savons tous qu’il suffit de payer pour obtenir une plus grande visibilité et donc plus de followers sur les réseaux sociaux.
Au-delà de la situation embarrassante des personnes qui réalisent des vidéos dignes d’intérêt, ce que je suis vraiment désolé de voir, c’est qu’à la suite de tout cela, il devient de plus en plus difficile de comprendre la véritable valeur artistique d’un tatoueur. Dans mes recherches, je me rends compte combien de temps je perds à regarder des scènes assez lamentables en vidéo avant d’apercevoir, et brièvement, un vrai tatouage. Je trouve cela tout à fait incroyable et me mettant à la place d’un client potentiel essayant de comprendre quel genre de travail fait un tatoueur, je pense qu’il est absolument impossible de se faire une idée de sa qualité à moins de pouvoir agrandir une image pour étudier les détails.
Dans le sillage des filtres, de Photoshop et de tous les processus d’édition imaginables pour les photos, nous voici à la nouvelle frontière de la scène du tatouage: une horde d’artistes de cirque qui feront à peu près n’importe quoi pour obtenir plus de vues, avec des bobines, des vidéos et des sketches comiques ridicules. Et s’il se trouve qu’il y a un espace entre une vidéo et la suivante, vous y trouverez peut-être une photo d’un tatouage, histoire de combler le vide. Je suis souvent contacté par des tatoueurs qui souhaitent participer à Gods of Ink ou souhaitent faire une interview avec Tatouage-femme.fr. Ils me demandent de jeter un œil à leur profil et quand je le fais, je ne vois que de la médiocrité. Et cela me brise le cœur de voir que tout le tapage sur la plateforme de médias sociaux du moment a effacé toute trace de réalité.
Le poste “Évaluation” tatouages. Le nouvel éditorial de Miki Vialetto est apparu en premier sur Tatouage-femme.fr.